4 août 2022
Grimper sur le Glacier Blanc un jour de canicule, c'est gravir plein d'émotions, d'étonnements, de sidérations, de recueillements et de colères. Voici le monstre blessé, grandiose et agonisant, mammouth en décomposition, vieux lion des Ecrins à la crinière effilochée. Grandiose, encore.
Le vieil alpiniste était un gros porc comme les autres
Les glaciers ont la mémoire longue. Et ce qu’ils ont à raconter sur l’espèce humaine de ce dernier siècle est ravageur. Année après année, les seigneurs épuisés de nos montagnes recrachent de leurs entrailles quelques vérités. Là haut, la vengeance est un plat qui se mange chaud. Je parle d’un endroit que seuls les alpinistes fréquentaient, au delà de 3000 m, sur la route de la Barre des écrins, de Roche Faurio ou Roche Paillon, mille mètres plus haut. Pas tout à fait le quidam. Ceux et celles qui affichaient leur amour pour ces grands espaces, un rien condescendants avec les gens de la plaine, des aventuriers gonflés d’histoires, conquérants d’inutile et défenseurs croyait-on de ces espaces parfois encore vierges.
Ils n’étaient que des colons.
Des usurpateurs, des lâches, de cette trempe qui cache la poussière sous le tapis. Eux cachaient leur bonbonne de gaz, leur canette de bière, leurs emballages sous quelques centimètres de neige. A l’approche du refuge des Ecrins, la glace piteuse croustille encore. En fait, elle grince. Pas un mètre (sans exagérer) sans un bout de plastique, de fer rouillé, de plaquette de médicaments et autre forfaiture. Certains débris ressurgissent après des décennies sous le tapis. Plus qu’ailleurs - les vallées sont plutôt propres - les alpinistes se sont cru le droit de salir les glaciers. Pourquoi ? A la honte collective de nos inactions, ceux là ont ajouté leur déshonneur. Le Glacier Blanc recule de 60 mètres par an, ruisselle de toute part. Soit il pleure, soit il nous pisse dessus.
(Update: le dernier week-end d'août, 1400 kg ont été ramassés et descendus en hélico. Merci aux nettoyeurs !)